Votre pièce sappelle La pierre et létang avec, précisé entre parenthèses, (
les temps
). Pourquoi ce titre?
On peut entendre ce titre de deux manières différentes. En termes de dimensions temporelles, dabord: celle de la composition, qui est très différente de celle, psychologique, de lécoute, laquelle varie dailleurs entre la première et la énième écoute, et est, là encore, bien différente de celle de la mémoire. Et puis on peut lentendre en tant quétang, étendue deau : on considère alors la relation entre deux éléments, leau, représentant la flexibilité, et la pierre, représentant la dureté.
Enfant, je mamusais souvent à lancer des pierres dans leau. Et cest le souvenir de ce jeu qui ma fait prendre conscience de la richesse dynamique de ces deux éléments.
Y a-t-il donc un «programme» ou un objet descriptif à cette pièce?
Non. Limage sert de métaphore poétique ou formelle, jamais dillustration. On peut ainsi trouver des inspirations poétiques dans la nature. Létang est une surface deau absolument lisse sur laquelle, comme sur une tablette en cire, on peut inscrire ce quon veut.
Ce nest toutefois nullement une imagerie naturaliste: on nentendra ni rocher qui tombe, ni véritable pluie de cailloux. Limage véhicule un rythme qui me donne, métaphoriquement, les prémices dune forme.
Le premier mouvement sintitule Rocher englouti: limage poétique est ici celle dune masse énorme qui tombe dans leau, métaphore de pesanteur et, en même temps, de leau, qui estompe cette pesanteur.
Suit Ricochet de galets: on sintéresse là aux trajectoires de ces petits objets, qui font naître une hétérophonie. La métaphore est également formelle: le mouvement se ralentit et suggère comme une flèche temporelle qui guide le parcours.
La troisième image est celle dune pierre singulière, la pierre ponce, qui, moins dense que leau, ne coule pas. Musicalement, cest une exploration métaphorique du rebond: on enfonce la ponce dans leau, elle résiste, et jaillit hors de leau aussitôt quon la lâche.
Enfin, on a une Pluie de cailloux: il faut cette fois imaginer une journée de pluie. Tout est arrêté et la pluie créé un réseau complexe de vaguelettes multiples à la surface de létang. Limage suggère, là encore, une hétérophonie les sons sont différents selon la masse du caillou et une polyphonie la superposition des vaguelettes et leurs interférences mais sur un matériau plus léger et plus fin.
En quoi lélectronique aide-t-elle cette métaphore musicale?
Elle nous aide à souligner, amplifier et multiplier certaines idées de mouvement, comme, par exemple, le parcours de cet objet dur (la pierre) et sa relation avec lélément (leau).
Pour lélectronique, lidée de départ était dordre technologique: intégrer les capteurs de mouvement à la démarche compositionnelle. Grâce à ces petits appareils, la succession des gestes nous fournit un flux continu dinformations. Si la partition que jouent les musiciens est évidemment écrite, ces informations que je reçois et que je retraite puis redirige vers les haut-parleurs créent une partition vivante, qui respecterait certains algorithmes. Et, comme chaque exécution est unique, il y aura certainement quelques petites variations de lune à lautre tout en laissant le noyau inchangé.
Mais les capteurs de geste ne sont pas le seul aspect important: la spatialisation joue un rôle métaphorique essentiel. Tous ces gestes vont rebondir dans lespace au travers des haut-parleurs, selon des stratégies «commandées», notamment par la gestuelle des solistes, dans un jeu littéralement stéréophonique: lorchestre à corde entoure le quatuor et les percussions ceux-ci forment le concertino, et qui est aussi le plus petit environnement dans lequel la pièce se joue.
La spatialisation nous permet par exemple de suggérer les cercles concentriques que font naitre les cailloux, ou la trajectoire des ricochets de galets comme des étincelles qui vont sallumer dans les différents haut-parleurs, ou créer des traces, convergentes et/ou divergentes. Les algorithmes serviront alors ici plutôt à gérer la métrique et le rythme de ces événements. Jai à ma disposition de nombreux outils pour valoriser lidée dun espace élargi, et de plusieurs espaces imbriqués. Je voudrais, par le biais dun contrepoint spatial, créer une dramatisation de lespace dramatisation qui, au demeurant, est importantes pour les prémices mêmes de la partition.
Dans le titre comme dans votre description de luvre musical, vous mettez laccent sur la dimension temporelle de luvre musicale. Comment voyez-vous le temps musical?
Les attentes dun artiste évoluent: pour moi, aujourdhui, le temps nest plus celui de la narration. Les figures musicales ne se présentent plus comme un personnage dun récit avec toute la dialectique que cela induit. La musique nest plus un roman, qui se déroulerait dans le temps, mais un objet en soi: en ce sens, jen appellerais plutôt la sculpture, dont lillumination et le point de vue varierait au cours de la pièce. À mesure quon chemine dans luvre, la sculpture se découvre, partiellement, dans sa complexité, dans sa transparence ou sa non transparence. Le regard quon porte sur elle tourne autour delle, sen rapproche et sen éloigne. Lobjet est toujours là, dans sa totalité, mais jamais dévoilé complètement. Cette approche suppose un rapport temporel tout à fait différent avec lobjet: une attitude qui relève de la contemplation, une perception qui préfère, au dévoilement dun parcours narratif, la découverte progressive de la nature dune matière sonore.
On touche là à une problématique qui moccupe depuis un moment, celle dun objet fiction, dont le mouvement nexiste que par le mouvement du spectateur: cet objet est-il toujours le même? Ou change-t-il réellement lorsque lon bouge?
Dans Immagini da Escher (2005) et Arcipelago Möbius (2004), jai essayé de jouer avec le trompe-lil, avec le fixe et le mouvement, sans que lun et/ou lautre soient clairement perceptibles: les deux se mêlent dans une relation presque fusionnelle. Le fixe et le mouvement coexistent sous la forme dun contrepoint imaginaire.
Gaston Bachelard, dans sa Dialectique de la durée, nous explique très bien la distinction entre «temps objectif» et «temps subjectif», ainsi que le concept de rythmologie: la vie est une alternance dactions et de réactions, qui articule lexpérience comme un phrasé au contraire de la vision de Bergson, où la vie est un continuum, sur lequel on ouvre des fenêtres.
Pour revenir à La pierre et létang (
les temps
), lutilisation des capteurs de mouvement participe-t-elle dune volonté de transformer le geste musical en lui-même en musique?
La technologie de captation du geste est utilisée depuis quelques années en musique. Ici, nous utilisons un dispositif de petits capteurs, accéléromètres et gyroscopes, qui nous fournissent en informations concernant laccélération (de larchet, par exemple, pour les cordes), la rotation et la vitesse. On peut alors exploiter ces trois paramètres du geste pour faire de la musique (la recherche continue de plancher pour en repérer dautres).
On a alors deux possibilités: soit on suit ce profil, en lappliquant à un effet, soit on essaie den reconnaître certains événements pour déclencher un son, un effet, un traitement, cohérents dun point de vue compositionnel. Cela peut sappliquer aussi bien à une spatialisation ou à un traitement en temps réel sur le son dun instrument: le geste de larchet, par exemple, peut moduler le son dun accord du quatuor entier!
Pour la percussion: la pièce exploite aussi lavant geste sa vitesse, sa structure
une palette assez complexe, non complète encore, dutilisation de cet instrument désormais fondamental. La miniaturisation des objets augmentera encore la souplesse de loutil.
Le geste est donc simultanément le générateur du son réel et du son électronique, quil vienne de linstrument lui-même ou dun autre. Cela représente une petite révolution copernicienne pour la composition.
Y aurait-il une beauté du geste instrumental sur laquelle vous voudriez mettre laccent?
Non, pas au sens aristotélicien du terme, du moins, pas une beauté intrinsèque, mais une beauté potentielle, féconde, lorsque le geste est mis en perspective.
Demandez-vous aux musiciens des gestes non asservis au jeu instrumental?
Oui: jai ainsi écrit, entre la deuxième et la troisième partie, une cadence de percussions durant laquelle le percussionniste exécute dans lespace des gestes (en haut, en arrière, en avant, accélération, etc.) qui ne servent pas nécessairement au jeu acoustique. Ces mouvements génèrent du son, mais exclusivement par le biais de lélectronique. Le percussionniste a ainsi un instrument à sa disposition, mais virtuel. Cest un autre aspect innovant de cette technologie.
Ce nest pas le but de la pièce, toutefois: je me garde de devenir trop démonstratif, ce qui naurait pas de sens. Ce procédé fonctionne bien à cet endroit précis, car je nai pas besoin de son acoustique concret.
Vous redonnez donc au musicien sa présence scénique voire sa théâtralité.
Le musicien est toujours un acteur. Lhumeur de chaque musicien est perçue par le public. Leur façon dêtre invite ou éloigne lécoute.
La pierre et létang (
les temps
) est votre première collaboration avec Thomas Goepfer, réalisateur informatique musical: avez-vous lhabitude de construire une relation suivie avec vos RIM?
Jai eu la chance de travailler avec beaucoup de réalisateurs différents dans deux cas, ce fut une relation suivie sur plusieurs projets. La relation entre compositeur et RIM est toujours délicate: nous sommes tous deux des musiciens, nous ne pouvons pas ne pas avoir chacun nos opinions et le réalisateur pourtant saligner sur la démarche esthétique du compositeur. Cest un peu le même rapport quentre létudiant et le professeur le RIM doit rentrer dans la logique compositionnelle pour mieux laider, en se faisant parfois lavocat du diable.
Vous avez derrière vous une longue expérience avec lélectronique: comment vous appropriez-vous de nouveaux outils?
Au niveau informatique, du point de vue conceptuel, je suis capable de tout comprendre. Cela dit, sil sagissait douvrir le capot et de comprendre la mécanique du moteur, jen serais bien incapable contrairement à dautres compositeurs. Cest donc par la manipulation que je mapproprie un nouvel outil.
Linformatique vous réserve-t-elle des surprises?
À toutes les étapes du travail, je refuse de me laisser faire par la machine de me laisser imposer une idée par la machine. Tout en restant attentif à ce que la machine peut donner, en sachant réagir à ce quelle me renvoie, pour rééquilibrer par rapport à limage sonore quon avait en tête ou éventuellement retenir certains traitements quon navait pas prévus. Cest un processus qui se poursuit parfois même après la création.
Loutil peut-il être alors générateur de forme? Ou est-il toujours asservi au projet?
Lun nempêche pas lautre! Jaime aussi travailler sur la composition autogénérative. Comme ici, du reste si ce nest pas une réelle surimposition, quatre ou cinq indices spatiaux, harmoniques, et autres sont gérés par lélectronique. Mais cela correspond à une seconde étape de la réalisation: on est obligé de travailler par couches, tout en gardant en tête lidée de la globalité.
[ESZ News 55]
Importante prima esecuzione assoluta per Ivan Fedele al termine della primavera. Il 10 giugno il Festival Agora ospiterà nella Salle 400 del Centquatre di Parigi La pierre et létang (
les temps
) per quartetto darchi, percussioni, orchestra darchi e elettronica, commissione Ircam - Centre Pompidou, nellinterpretazione del Quatuor Renoir, di Daniel Ciampolini alle percussioni e dellOrchestre Philharmonique de Radio France sotto la direzione di Ernest Martinez Izquierdo. Il concerto, coproduzione Ircam - Centre Pompidou e Radio France con la collaborazione del CentQuatre e il sostegno della Sacem, verrà registrato da France Musique. In questi termini lAutore ha raccontato a Jérémie Szpirglas il significato del nuovo lavoro, partendo dal titolo:
«Si può intendere questo titolo in due modi diversi. In termini di dimensione temporale innanzitutto: quella della composizione, molto diversa da quella psicologica dellascolto, che varia tra il primo e lennesimo ascolto, ed è ancora diversa da quella della memoria. Poi si può intenderlo come stagno, distesa dacqua, considerando la relazione tra due elementi, lacqua, che rappresenta la flessibilità, e la pietra, che rappresenta la durata. Da bambino mi divertivo spesso a lanciare pietre nellacqua, ed è il ricordo di quel gioco che mi ha fatto prendere coscienza della ricchezza dinamica di questi due elementi. Nel mio pezzo limmagine serve come metafora poetica o formale, ma non è illustrativa. Lo stagno è una superficie dacqua assolutamente liscia, sulla quale, come su una tavoletta di cera, è possibile segnare ciò che si vuole. Non si tratta tuttavia di unimmagine naturalistica: non si sentiranno pietre che cadono, né piogge di sassolini. Limmagine veicola un ritmo che mi offre, metaforicamente, delle premesse formali. Il primo movimento sintitola Rocher englouti: limmagine poetica corrisponde a un masso enorme che cade nellacqua, metafora della pesantezza e al tempo stesso dellacqua che smorza questa pesantezza. Segue Ricochet de galets, che si occupa della traiettoria di piccoli oggetti che producono uneterofonia. La metafora è anche in questo caso formale: il movimento rallenta e suggerisce una freccia temporale che guida il percorso. La terza immagine è quella di una singola pietra, la pietra pomice, che, meno densa dellacqua, non affonda. Musicalmente, si tratta di unesplorazione metaforica del rimbalzo: se si immerge la pomice nellacqua, questa resiste ed emerge dallacqua appena la si lascia. Infine abbiamo una Pluie de cailloux: occorre immaginare una giornata di pioggia. Tutto si ferma e la pioggia crea una rete complessa di increspature multiple alla superficie dello stagno. Limmagine suggerisce, anche in questo caso, uneterofonia i suoni sono diversi secondo la massa della pietra e una polifonia la sovrapposizione delle increspature e le loro interferenze ma su un materiale più leggero e più fine. Lelettronica contribuisce a sottolineare, amplificare e moltiplicare certe idee di movimento come, per esempio, il percorso di questo oggetto duro, la pietra, e la sua relazione con lelemento acqua. Nel caso dellelettronica, lidea di partenza è stata di ordine tecnologico: la successione dei gesti ci ha fornito un flusso continuo di informazioni. Se la partitura eseguita dai musicisti è naturalmente scritta, le informazioni che ricevo, tratto e ridirigo verso gli altoparlanti crea una partitura viva che rispetterà taluni algoritmi. E poiché ciascuna esecuzione è unica, ci sarà senzaltro qualche piccola variazione dalluna allaltra. Daltra parte, anche la spazializzazione gioca un ruolo metaforico essenziale. Tutti questi gesti rimbalzano nello spazio attraverso gli altoparlanti, secondo strategie determinate soprattutto dalla gestualità dei solisti, attraverso un gioco letteralmente stereofonico: lorchestra darchi avvolge il quartetto e le percussioni, che formano il concertino. La spazializzazione permette per esempio di suggerire dei cerchi concentrici provocati dai sassolini. Vorrei dunque, attraverso un contrappunto spaziale, creare una drammatizzazione spaziale. Qui utilizziamo dispositivi di cattura del gesto di piccola taglia, accelerometri e giroscopi che ci forniscono informazioni sullaccelerazione (dellarchetto, per esempio), sulla rotazione e la velocità. È così possibile sfruttare questi tre parametri del gesto per fare della musica, lavorando in tempo reale sul suono di uno strumento: il gesto dellarchetto, per esempio, per modulare il suono di un accordo dellintero quartetto. Il gesto diventa così simultaneamente generatore del suono reale e del suono elettronico proveniente dallo stesso strumento o da un altro. Si tratta di una piccola rivoluzione copernicana per la composizione. Inoltre, tra la seconda e la terza parte ho scritto una cadenza per le percussioni, durante la quale il musicista dovrà eseguire dei gesti nello spazio non strettamente necessari al gioco acustico. Questi movimenti generano del suono, veicolato esclusivamente attraverso lelettronica. Il percussionista viene così ad avere a disposizione uno strumento virtuale: un altro aspetto innovativo di questa tecnologia».